- NUCLÉOTIDES CYCLIQUES
- NUCLÉOTIDES CYCLIQUESLa découverte de l’AMP cyclique, en 1956, a marqué une très grande étape dans l’histoire récente de la biologie. Pour la première fois, on pouvait comprendre et reproduire dans le tube à essai le mécanisme moléculaire de l’action d’une hormone, comme le glucagon ou l’adrénaline. Depuis lors, les nucléotides cycliques ont largement dépassé leur rôle de «seconds messagers» hormonaux. Ils sont aussi impliqués dans toutes les régulations de la vie cellulaire, depuis les phénomènes les plus fondamentaux (différenciation et multiplication cellulaires) jusqu’aux plus spécialisés (olfaction, vision). Enfin, ils jouent un rôle majeur dans de nombreuses situations pathologiques et sont le point d’impact de nombreux médicaments.L’histoire des nucléotides cycliques a commencé en 1956 quand Earl W. Sutherland (Prix Nobel en 1971) découvrit que l’action de l’adrénaline sur la production de glucose par le foie était «médiée» par un facteur soluble, thermostable, de petit poids moléculaire. Il identifiait en 1958 ce facteur comme un dérivé original de l’adénosine triphosphate, l’AMP cyclique. Très vite, il caractérisait les enzymes responsables de sa synthèse (adénylyl cyclase) et de sa dégradation (phosphodiestérase), et établissait les critères qui permettaient de l’impliquer comme médiateur ou «second messager» de l’action d’une hormone sur une cellule cible. Depuis lors, l’AMP cyclique, et à un moindre degré le GMP cyclique, est vite devenu le médiateur intracellulaire de toute une série d’hormones, le point d’impact intracellulaire étant toujours l’activation d’une kinase phosphorylant des protéines clés. Dans les années 1970, c’est surtout le fonctionnement du système de synthèse de l’AMP cyclique qui recevait le plus l’attention des chercheurs. En particulier, Martin Rodbell découvrait le rôle essentiel des protéines G liant le GTP et transmettant l’information hormonale du récepteur, situé à la face externe de la membrane d’une cellule, vers l’adénylyl cyclase à la face interne. Les années 1980, avec les progrès de la biologie moléculaire, ont vu l’élucidation de la structure, par clonage, de bon nombre de récepteurs hormonaux, de protéines G, d’adénylyl cyclases et de phosphodiestérases. Dans les années 1990, on peut dire que le mécanisme d’action des hormones qui, par l’intermédiaire d’un récepteur membranaire, module la concentration intracellulaire d’AMP cyclique, est presque entièrement élucidé.1. L’adénylyl cyclaseLe système de l’adénylyl cyclase comprend trois types de constituants qui sont présentés plus loin dans la figure 2: la sous-unité catalytique C, à la face interne de la membrane plasmique; les récepteurs hormonaux R dirigés vers la face externe de la membrane (cf. RÉCEPTEURS MEMBRANAIRES – Signaux neurohormonaux); et, entre les deux, un système de transduction incluant les protéines G qui peuvent se lier au GTP et qui transmettent les effets activateurs ou inhibiteurs sur la réaction enzymatique.La sous-unité catalytique , ou adénylyl cyclase proprement dite, assure la transformation de l’ATP en AMP cyclique (fig. 1), le substrat préférentiel de l’enzyme étant le complexe ATP-Mg. La réaction de cyclisation du phosphore en 見 de l’ATP sur la position 3 du ribose, avec élimination de pyrophosphate, se fait sans formation d’un intermédiaire covalent enzyme-substrat, par attaque nucléophile directe du HO en 3 sur le phosphore en 見. Dans les conditions physiologiques, on n’observe pas de formation d’ATP à partir de PPi et d’AMP cyclique. L’hydrolyse de l’AMP cyclique (AMPc) en AMP sous l’effet de la phosphodiestérase libère 11,6 Kcal/mole d’énergie libre, ce qui fait de l’AMP cyclique un composé potentiellement riche en énergie. Cette réaction de dégradation en AMP est donc tout à fait irréversible sur le plan thermodynamique. Le caractère pratiquement «unidirectionnel» des deux réactions de synthèse et de dégradation de l’AMP cyclique en fait des sites de régulation privilégiés.L’adénylyl cyclase vient d’être récemment clonée. Il s’agit d’une grosse protéine hydrophobe dont il existe au moins huit sous-types chez les mammifères et dont les gènes sont, chez l’homme, sur des chromosomes différents. Leur topographie commune est de traverser douze fois la membrane plasmique sous forme de deux domaines transmembranaires de six traversées chacun. Elles possèdent également deux boucles cytoplasmiques, l’une longue de 350 acides aminés entre les deux domaines transmembranaires, l’autre de 250 à 300 acides aminés se situant après le deuxième domaine transmembranaire. Ces deux portions intracellulaires sont similaires entre elles. Elles sont aussi très conservées parmi les différentes adénylyl cyclases de mammifères, certains résidus étant même identiques avec les guanylyl cyclases. En revanche, la séquence des traversées transmembranaires est très différente d’une forme à l’autre. Il paraît vraisemblable que les deux régions cytoplasmiques sont impliquées dans l’activité catalytique de l’enzyme. La fluidité de la membrane plasmique pourrait jouer un rôle important en permettant le rapprochement de ces deux domaines. Ce pourrait être aussi le mécanisme de l’effet activateur d’un diterpène extrait d’une plante, la forskoline.Les huit types de cyclases décrits sont tous activés par la sous-unité Gs 見 (s: qui stimule) de la protéine G. Le type I, spécifique du cerveau, ainsi que le type III, qui prédomine dans le bulbe olfactif, sont aussi activés par la calmoduline, et donc par le calcium. La sous-unité Gi 見 (i: qui inhibe) inhibe directement l’activité des formes III, V et VI. Les sous-unités 廓塚 inhibent l’activité du type I, stimulent celle des types II et IV et n’ont aucun effet sur les types II, V et VI. À faible concentration, micromolaire, le calcium inhibe les formes V et VI. L’adénosine inhibe toutes les formes par l’intermédiaire d’un site spécifique défini pharmacologiquement comme étant de type P. Enfin, l’activité de l’enzyme peut être modifiée par phosphorylation sur des résidus sérine ou thréonine. Le type VI, par exemple, est inhibé sous l’effet de la protéine kinase A, dépendante de l’AMP cyclique, ce qui pourrait être à la base d’une boucle de régulation négative où l’AMP cyclique produit freine l’activité de l’enzyme de synthèse. À l’inverse, la protéine kinase C, stimulée par le diacylglycérol et le calcium, peut activer le type II et lever son inhibition par Gi 見.Dans le testicule, il existe une activité cyclasique soluble qui est due à une sous-unité C isolée, insensible à toute régulation. Dans tous les autres systèmes, l’activité de l’adénylyl cyclase est sous un contrôle positif ou négatif par l’intermédiaire de récepteurs hormonaux spécifiques dont quelques exemples sont reproduits dans le tableau 1.La régulation globale du taux de l’AMP cyclique paraît donc à ce jour assez complexe. Le type de réponse, en plus ou en moins, à un agent hormonal ou à un neuromédiateur, dépend non seulement de la nature, du nombre et de la proportion des différentes cyclases présentes dans un tissu ou une cellule particulière, mais aussi de la nature et de la proportion des différentes sous-unités des protéines G, stimulantes ou inhibitrices, et des différents récepteurs, activateurs ou inhibiteurs, auxquels peut se lier un même signal hormonal. C’est ainsi que l’activité adénylylcyclasique peut être modifiée en plus ou en moins par les sous-unités Gs 見 ou Gi 見, par le calcium (en plus si la cyclase de type I prédomine, en moins si les cyclases de type V et VI prédominent), par les sous-unités 廓 et 塚 (en plus sur le type II, en moins sur le type I), voire par une phosphorylation qui court-circuite complètement le système des protéines G. La combinatoire de ces paramètres multiples assure une spécificité de régulation à la fois extrême et potentiellement redondante pour chaque cellule et pour chaque hormone.2. Les protéines GLe rôle des protéines G dépasse très largement le cadre des nucléotides cycliques et se trouve impliqué dans de nombreux autres mécanismes de transduction membranaire.Activation de l’adénylyl cyclase . La protéine Gs qui couple le récepteur hormonal à la cyclase est un hétérotrimère composé d’une sous-unité 見 (45 et/ou 52 KDa) et d’une sous-unité 廓 (35-36 KDa) étroitement associée à une sous-unité 塚 (de 5 à 10 KDa). La sous-unité 見 contient le site de liaison du GTP avec une activité GTPasique, laquelle est inhibée par ADP-ribosylation sous l’action de la toxine cholérique. Le modèle d’activation de l’adénylyl cyclase par la protéine Gs est décrit dans la figure 2 a.Inhibition de l’adénylyl cyclase . Comme Gs, Gi est un hétérotrimère, composé d’une sous-unité 見i (de 41 KDa et différent de 見s) et d’un dimère 廓塚 identique à celui de Gs (tabl. 2). Le mécanisme de l’inhibition de la cyclase sous l’effet de Gi est moins bien connu que celui de l’activation par Gs. En présence de GTP, Gi se dissocie en 見i-GTP et en 廓塚. La sous-unité 見i semble pouvoir inhiber directement la cyclase. Le dimère 廓塚 agirait aussi en recaptant les sous-unités 見s libres, sous forme de complexe 見s- 廓塚 inactif. L’ADP-ribosylation de 見i sous l’effet de la toxine de Bordetella pertussis diminue sa capacité à se lier aux récepteurs et découple donc la cyclase des régulations inhibitrices. Comme pour le cycle d’activation, l’activité GTPasique permet d’interrompre le cycle d’inhibition.La vision . La transducine (T) est activée par la lumière dans les segments externes des cônes et bâtonnets de la rétine. Comme Gs ou Gi, T est un hétérotrimère 見廓塚 (tabl. 2). La sous-unité 廓 est analogue à celle de Gs; 見T et 塚T sont spécifiques. La sous-unité 見T (37 KDa) peut être ADP-ribosylée par les deux toxines du choléra et de la coqueluche. Dans les bâtonnets, la photo-transduction s’opère au travers d’une cascade de réactions spécifiques qui commence avec l’absorption d’un photon par la rhodopsine et s’achève avec la fermeture d’un canal cationique de la membrane cellulaire, modifiant ainsi le potentiel électrique de celle-ci; fermeture qui résulte de la diminution de la concentration en GMP cyclique par activation d’une phosphodiestérase (PDE) spécifique. Après photo-activation de la rhodopsine, et en présence de GTP, le trimère 見廓塚 se dissocie, et la sous-unité 見T-GTP devient soluble; elle active alors la PDE (fig. 2 b), et une cascade amplificatrice se produit: 1 photon + RR et R + 102 T102 T, 102 T102 PDE105 GMPc. Elle se bloque très vite (100 millisecondes) car l’arrêt de la stimulation de T est assuré par une activité GTPasique intrinsèque de T 塚. Le cycle de la rhodopsine est aussi modulé par deux autres protéines: l’arrestine et une kinase spécifique de la rhodopsine. Cette kinase ne peut phosphoryler la rhodopsine que lorsqu’elle est photo-activée. La rhodopsine phosphorylée se lie alors à l’arrestine, et le complexe de ces deux protéines ne peut plus interagir avec T.Les autres protéines G . Le système des protéines G est aussi impliqué dans une série grandissante d’autres régulations membranaires. 1. À partir du cerveau où elle est très abondante a été isolée une protéine Go . C’est aussi un hétérotrimère dont seule la sous-unité 見 (39 KDa) est spécifique. Elle est sensible à la toxine de Bordetella pertussis . Sa fonction est inconnue. 2. La phospholipase C, responsable de la dégradation des phosphoinositides et de la production d’inositol triphosphate est très vraisemblablement activée par les hormones grâce à une protéine G sensible à la toxine de la coqueluche, dite Gq. 3. La stimulation muscarinique du canal potassique des oreillettes cardiaques implique aussi une protéine G sensible à la même toxine. 4. Enfin, certains effets inhibiteurs ou stimulateurs sur des canaux calciques voltage-dépendants passent aussi par une protéine-G.Structure moléculaire des protéines G . Les progrès récents de la biologie moléculaire ont permis le clonage et le séquençage d’un nombre croissant de protéines G, d’autant qu’une forte homologie des structures permet de cloner facilement des protéines analogues et de définir ainsi des «superfamilles» de protéines dont les fonctions restent encore à définir. C’est ainsi que l’on sait maintenant qu’il existe deux sous-unités différentes 見 pour la transducine spécifique pour les cônes ou les bâtonnets. L’existence de deux tailles pour 見s (52 ou 45 KDa) est due à l’épissage alternatif d’un même ARNm. La situation est plus compliquée encore pour les sous-unités 見 de Gi: trois séquences différentes ont été identifiées ( 見i-1, 見i-2, 見i-3), qui proviennent de gènes différents, localisés sur des chromosomes différents. Enfin, les sous-unités 見 de Gi et Go, mais non pas celles de Gs et T, sont modifiées de manière post-traductionnelle par l’addition d’un acide myristique sur la glycine en position 2. Cette myristylation pourrait aider à l’ancrage de Gi ou Go dans la membrane plasmique ou encore à leur interaction avec le cytosquelette.Autres protéines liant le GTP . On connaît de nombreuses autres protéines capables de lier le GTP; elles ont en commun d’être petites (21 KDa) et d’être des GTPases. Mais elles ne sont pas sensibles aux toxines et n’ont aucune affinité pour 廓塚. Parmi elles, on peut citer un facteur cytosolique d’ADP-ribosylation (ou «ARF»), une protéine «p» isolée du placenta et, surtout, les protéines «ras». Le génome des mammifères contient normalement un ou plusieurs gènes dits ras. Dans les cellules normales, l’activité GTPasique de ras est augmentée par une protéine spécifique dite GAP (GTPase activating factor ). Ces gènes ras sont des proto-oncogènes, car une mutation qui diminue leur activité GTPasique les transforme en oncogènes que l’on retrouve associés à la transformation maligne. Il ne semble pas que ras puisse moduler l’adénylyl cyclase chez les mammifères, mais des protéines analogues le font dans la levure. À noter que la protéine F, codée par le virus HIV responsable du sida, est une phospho-protéine myristylée, liant et dégradant le GTP, homologue par sa composition avec ras. Il apparaît en tout cas que les sous-unités 見 de Gs, Gi et T ainsi que ras dérivent d’une protéine ancestrale commune. Nous ne sommes en ce domaine qu’en lisière d’un champ d’investigation encore largement vierge. Parmi les questions qui attendent des réponses: combien y a-t-il de protéines G? quelle est leur fonction? combien d’effecteurs du type de la cyclase sont-ils liés à une protéine G? si l’on peut supposer que les différentes protéines G, par leur présence spécifique ou leur stoechiométrie dans une même cellule, assurent un type particulier de réponse à une hormone donnée, quels sont les facteurs spécifiques de leur synthèse ou de leur épissage différentiels? les sous-unités 見 sont-elles, comme ras, des proto-oncogènes?3. L’AMP cyclique et son mode d’actionL’activation de l’adénylyl cyclase conduit à une augmentation nette de la concentration de l’AMP cyclique intracellulaire qui peut passer ainsi dans le foie de 1 à 30 猪M sous l’effet du glucagon. Le mécanisme d’action de l’AMP cyclique dans les cellules eucaryotes est univoque: l’AMP cyclique agit toujours en activant une protéine-kinase. Le rôle de cette enzyme est de phosphoryler, à partir de l’ATP, une autre protéine sur une sérine ou une thréonine qui sont toujours précédées par deux résidus basiques adjacents (arginine ou lysine). Le substrat de la réaction peut être une autre enzyme, en particulier une autre kinase. L’AMP cyclique peut ainsi être à l’origine d’une cascade de phosphorylations comme celles, classiques, qui sont responsables de la production de glucose à partir du glycogène (glycogénolyse ; fig. 3), ou de la lipolyse. Cette cascade d’activations permet une amplification du signal hormonal et rend compte de sa rapidité d’action. L’inactivation et la disparition du signal sont assurées par: la transformation de l’AMP cyclique en AMP non cyclique sous l’effet de la PDE ; la déphosphorylation des phospho-protéines sous l’effet de phosphatases dont l’action, irréversible, libère du phosphate inorganique.Les protéines kinases . La protéine kinase sensible à l’AMP cyclique comporte deux types de sous-unités, C-catalytique et R-régulatrice, qui peut lier l’AMP cyclique. En l’absence d’AMP cyclique, l’enzyme existe sous forme d’un tétramère inactif R2C2. Après liaison de quatre molécules d’AMP cyclique, il se dissocie pour libérer des sous-unités C actives (fig. 4). À noter que cette réaction est entièrement réversible et que la proportion de C activée par rapport à la quantité totale de kinase est directement proportionnelle à la concentration d’AMP cyclique. Par chromatographie, on a pu isoler deux types de kinase qui diffèrent par la nature, R1 ou R2, de leurs sous-unités régulatrices. Les deux formes de R sont très voisines. Elles comportent quatre domaines fonctionnels: deux domaines de liaison de l’AMP cyclique, un domaine de dimérisation et un domaine d’interaction avec C. R2, mais non R1, peut être autophosphorylé dans des conditions physiologiques, ce qui diminue sa vitesse de réassociation avec C. Dans de nombreux tissus existe aussi une kinase, plus spécifiquement activable par le GMP cyclique. Elle se compose de deux sous-unités identiques, chimériques, dont chacune comprend une région de dimérisation, une région de liaison du GMPc et un domaine catalytique. La liaison du GMPc l’active sans la dissocier.Les autres kinases . On connaît une centaine de protéines kinases; ces dernières, sensibles aux nucléotides cycliques, sont simplement les mieux connues. Elles diffèrent par leur spécificité de substrat (sérine/thréonine, tyrosine, voire histidine ou lysine) et leur régulation (calmoduline/calcium; diacylglycérol; hème; polyamine, etc.). Elles ont en commun de posséder une très profonde homologie de structure (en particulier, la séquence Gly-x-Gly-x-x-Gly dans le domaine I, une lysine invariante dans le domaine II, et les trois séquences Arg-Asp-Leu, Asp-Phe-Gly et Ala-Pro-Gly dans les domaines VI, VII et VIII). Elles jouent un rôle essentiel de régulation et de transmission d’information, et leur fonctionnement, par ses propriétés d’amplificateur et d’interrupteur, les a fait comparer à des transistors. Leur nombre pourrait atteindre le millier; elles seraient ainsi codées par 1 p. 100 des gènes fonctionnels du génome des mammifères.Interaction avec le génome . La plupart des régulations soumises aux nucléotides cycliques concernent le métabolisme intermédiaire et sont à très court terme. Ce sont donc des modifications de l’activité des enzymes plus que de leur synthèse. Néanmoins, on connaît bien maintenant une vingtaine de cas d’induction vraie, par l’AMP cyclique, de la synthèse d’une enzyme par augmentation de la synthèse de son ARN messager. On a pu identifier en amont de leur gène de structure des séquences d’ADN qui ont toutes les propriétés des «enhancers». C’est à ces cAMP response elements que se lient des facteurs transcriptionnels de type CREB ou ATF. Ceux-ci peuvent être phosphorylés sous l’effet de la protéine kinase dépendant de l’AMPc, ce qui augmente leur activité sur la transcription.4. Le système du GMP cycliqueTrès vite après la découverte de l’AMP cyclique, il est apparu que d’autres nucléotides cycliques pouvaient aussi jouer un rôle régulateur. Seul des formes cycliques de l’UMP, l’IMP, le CMP, le GMP cyclique a été retenu car il a été régulièrement retrouvé dans le sang et les tissus. On a rapidement décrit une guanylyl cyclase, des phosphodiestérases et protéines-kinases spécifiques. Néanmoins, en dépit d’indices prometteurs, les recherches sur le GMP cyclique ont souffert de l’absence de modèles expérimentaux. De plus, les effets propres du GMP cyclique ne se sont pas révélés extrêmement spécifiques. En particulier, le modèle original selon lequel GMPc et AMPc auraient des effets opposés a été vite abandonné. Il n’en reste pas moins que le GMP cyclique joue un rôle important. En dehors de la rétine (cf. chap. 2, La vision ), il semble surtout impliqué dans la relaxation des muscles lisses. Toute augmentation du GMP cyclique y entraîne, par activation d’une kinase, la phosphorylation de nombreuses protéines. En revanche, la chaîne légère de la myosine est déphosphorylée, d’où la relaxation musculaire.La plupart des travaux actuels se sont concentrés sur la guanylyl cyclase . Celle-ci existe sous deux formes, soluble dans le cytosol, et insoluble, liée à la membrane plasmique. La distribution subcellulaire de ces deux formes varie selon le tissu: dans le foie adulte et les plaquettes sanguines, l’enzyme est surtout soluble; elle est surtout particulaire dans le foie fœtal ou en régénération dans la muqueuse intestinale.On sait maintenant que la guanylate cyclase peut être activée de trois manières différentes:– La guanylyl cyclase soluble peut être activée par des composés pharmacologiques: azide et nitroprussiate de sodium, nitrate, nitroglycérine, oxyde nitrique, qui entraînent tous la formation de radicaux libres. Un groupe prosthétique héminique est nécessaire à ce type d’activation.– Dans le muscle lisse, la guanylyl cyclase soluble peut aussi être activée par des agents comme l’histamine, l’acétyl choline, la thrombine, mais seulement si l’endothélium est intact. Le facteur relaxant d’origine endothéliale, qui peut diffuser d’une cellule à l’autre, est en fait le monoxyde d’azote. Cette molécule gazeuse est synthétisée à partir de l’arginine par une NO synthase activée par la calmoduline.– La guanylyl cyclase membranaire est enfin activée par les peptides natriurétiques auriculaires, «atriopeptines» ou «ANF». Ce facteur, synthétisé surtout dans les oreillettes du cœur, entraîne diurèse, natriurèse et vasodilatation. Il a pour mécanisme d’action essentiel d’augmenter le GMPc dans le muscle lisse, les cellule rénales, etc. Il se lie à deux types de site membranaire dont l’un, une glyco-protéine de 130 KDa, contient à la fois le site de liaison de l’ANF et l’activité guanylylcyclasique. Cette structure, simple et originale, qui vient d’être confirmée par les techniques de clonage, s’oppose à la complexité du système adénylylcyclasique.5. Les nucléotides cycliques en dehors des mammifèresOn trouve des nucléotides cycliques, AMP cyclique surtout, aussi bien dans le règne végétal, où leur rôle est très mal connu, que dans le règne animal. Nous n’envisagerons ici que quelques systèmes spécifiques: bactéries, levures et amibes qui ont fait l’objet de travaux particulièrement intéressants.BactériesChez les bactéries, l’AMP cyclique a été surtout étudié dans deux espèces: Escherichia coli et Bordetella pertussis. Chez E. coli, l’AMP cyclique joue un rôle essentiel d’adaptation métabolique. La bactérie, qui répond à l’addition de lactose par la synthèse de protéines en permettant l’utilisation, peut aussi réprimer leur synthèse en présence de glucose. Cet «effet glucose», ou plus généralement «répression catabolique», passe par une diminution de la concentration d’AMP cyclique et est levé par l’addition de nucléotide exogène. L’expression de nombreux gènes importants chez E. coli nécessite l’AMP cyclique. Celui-ci se lie à une protéine réceptrice dite CRP qui acquiert alors une affinité très forte pour certaines régions de l’ADN, augmentant ainsi la transcription de certains gènes inductibles. À la différence de ce qui se passe chez les mammifères, l’AMP cyclique agit ici uniquement sur la synthèse des enzymes, et non sur leur activité, même si les circonstances globales de sa mise en jeu (le jeûne et le besoin de glucose) sont grossièrement les mêmes. Le glucose inhibe, lui, l’adénylyl cyclase par l’intermédiaire d’un système complexe où le phosphoénolpyruvate et un système de phosphotransférase sont impliqués. L’adénylyl cyclase de E. coli a été clonée et est différente de celle des mammifères.LevuresDans la levure Saccharomyces cerevisiae , l’AMP cyclique est nécessaire pour permettre à la cellule de dépasser la phase G1 de son cycle cellulaire. Elle possède une adénylyl cyclase, codée par le gène CYR 1, qui vient d’être clonée. Il s’agit d’une grosse protéine membranaire de 2 026 aminoacides (220 kDa) qui peut être activée par le GTP, vraisemblablement par l’intermédiaire de deux protéines RAS1 et RAS2, analogues des protéines ras des mammifères.AmibesLes amibes sociales Dictyostelium discoideum sont des organismes unicellulaires qui, en milieu peu nutritif, s’agrègent en une forme de résistance multicellulaire avec tige et spores. L’agrégation des cellules individuelles est coordonnée par un signal extracellulaire qui se trouve être l’AMP cyclique. Celui-ci, qui joue ici le rôle d’un premier et non plus d’un second messager, est synthétisé et sécrété avec une périodicité de 6 minutes. Ces vagues d’AMP cyclique se propagent, et chaque rebond forme un gradient chémotactique qui attire les cellules vers le centre d’agrégation. Le système oscillatoire membranaire inclut une adénylyl cyclase, une phosphodiestérase et un récepteur qui, après liaison de l’AMP cyclique, active à son tour l’adénylyl cyclase. Cette stimulation de la cyclase passe par l’intermédiaire d’un système de protéine G tout à fait semblable à celui des mammifères.6. Applications médicales des nucléotides cycliquesPathologieLes nucléotides cycliques étant impliqués dans la plupart des régulations cellulaires, leur rôle direct ou indirect en pathologie ne peut qu’être immense. En particulier, ils ont été impliqués dans le contrôle de la croissance cellulaire et dans la transformation maligne. Le fait que de nombreux oncogènes soient des protéines kinases (à tyrosine comme src , abl , nen et ros , ou à sérine comme raf et mos ) ou des protéines liant le GTP comme ras est un argument important dans ce sens. Nous ne citerons ici que les affections où un rôle direct des nucléotides cycliques a été démontré.En pathologie d’origine bactérienne , la diarrhée du choléra est causée par l’exotoxine de Vibrio cholerae et celle qui est dite du voyageur par l’endotoxine de E. coli ; dans ces deux cas, l’activation du système cyclasique des cellules de la muqueuse intestinale cause une forte augmentation de la sécrétion hydrosaline. Les manifestations cliniques de la coqueluche et de l’anthrax sont directement liées à la sécrétion d’une adénylyl cyclase par Bordetella pertussis et Bacillus anthracis .En endocrinologie , une anomalie du système adénylylcyclasique a été démontrée de manière définitive dans certains cas de pseudohypoparathyroïdie de type I où les sujets, qui présentent une ostéodystrophie héréditaire, sont aussi résistants à la parahormone. Cette résistance est due à un déficit en protéine Gs 見. À l’inverse, certains cas de tumeurs hypophysaires sont liés à un hyperfonctionnement de cette même sous-unité qui a perdu, par suite d’une mutation ponctuelle, son activité GTPasique.ThérapeutiqueBeaucoup de médicaments augmentent les concentrations intracellulaires d’AMP et de GMP cycliques, par inhibition des phosphodiestérases.La théophylline en est le type, puisque, dès les premiers travaux de Sutherland, l’AMP cyclique était hydrolysé en AMP non cyclique inactif par une phosphodiestérase spécifique (PDE), inhibable par la théophylline. Plus tard, il apparut qu’il existait des formes multiples de cette enzyme. Par chromatographie, trois types de PDE ont été isolés du cœur. Les types I et II hydrolysent l’AMPc et le GMPc, tandis que le type III est spécifique de l’AMP cyclique. Le type I peut être activé par la calmoduline en présence de calcium. Enfin, le GMP cyclique stimule l’activité de la PDE de type I et inhibe celle de type III. Alors que les premiers agents pharmacologiques, tels que théophylline, caféine, inhibaient les trois formes de manière identique, on a découvert plus récemment des familles de drogues plus spécifiques. La PDE de type III est sensible au Rolipram, à l’imazodan, à l’amrinone; celle de type II au dipyridamole; celle de type I aux composés de type ICI 74917, HA 558, etc. On peut ainsi voir se développer une pharmacologie spécifique de tel ou tel tissu, dans quatre domaines majeurs: comme agents inotropes dans l’insuffisance cardiaque; comme bronchodilatateurs au cours de l’asthme; comme inhibiteurs de l’agrégation plaquettaire; comme vasodilatateurs dans l’hypertension. Sur le plan physiologique, peu de régulations majeures sont décrites en dehors d’une action de l’insuline sur une PDE membranaire spécifique, dont l’activation pourrait rendre compte, en partie, de l’antagoniste physiologique entre insuline et AMP cyclique. Par ailleurs, l’activation de l’hydrolyse de l’AMPc par la calmoduline représente l’un des nombreux points d’interactions entre calcium et AMP cyclique.
Encyclopédie Universelle. 2012.